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COMMISSARIATS / MÉDIATION


NABILA MESBAH / UN ART POUR GUÉRIR
[Commisariat d’exposition, Espace Alter, Montréal, 2011]
http://www.auberge-alternative.qc.ca/arts/


Les œuvres présentées ici sont les traces d’un démarche de thérapie par l’art entamé en avril 2008 par l’artiste Nabila Mesbah, selon l’approche ECHO®. Cette méthode que l’on doit au médecin, psychiatre, psychanalyste et psychosomaticien Jean-Charles Crombez, a été fondée il y a près de trente ans à l’Hôpital Notre-Dame de Montréal et se caractérise par la mobilisation des ressources psychiques d’une personne pour favoriser son processus naturel de guérison. Les « coloriages » qui résultent de ce parcours ne sont évidemment pas produits dans un contexte de diffusion et doivent ainsi être analysés avec ouverture d’esprit, comme autant d’explorations du paysage affectif douloureux de l’artiste : un journal intime qu’elle a courageusement décidé de partager avec nous. L’œuvre dans ce cadre, n’est pas un miroir comme on l’entend souvent, mais plutôt une prolongation de l’artiste dans un espace virtuel où peuvent coexister sans contradiction préoccupations, craintes et aspirations. Chacun de ces coloriages représente en ce sens une recherche authentique et transparente d’équilibre entre certains éléments dissonants de la réalité de leur auteur. 

Habituellement concentrés autour de formes essentielles (silhouettes animales, humaines et végétales distendues, portions désincarnées de corps ou de paysage), les dessins de Mesbah semblent avoir été lentement façonnées par les courants de convection d’un insaisissable fluide. Les couleurs se partagent l’œuvre, guidées d’abord par la charge symbolique que leur confère l’artiste, puis par les ondulations internes qui naissent à mesure que se complexifie la composition. Par exemple, lorsque la douceur d’un vert profond s’amalgame au rouge strident du « choc » premier, leur rencontre engendre un tierce ton, un sombre cramoisi qui nous rappelle la teinte ambivalente d’une ecchymose; d’un corps qui se recompose après une violente secousse. Aussi, si le noir est rarement présent dans le dessin final, c’est qu’il en a été progressivement gommé par de plus vives couleurs, comme phagocyté par les strates supérieures de l’œuvre.

Difficile de s’éloigner du lexique de la guérison pour décrire ces coloriages. L’application brutale des premiers traits y activant un étrange procédé de cicatrisation,  qui réagit à cette violence initiale en l’enveloppant, la digérant, l’harmonisant à l’ensemble de la composition. Les motifs se développent ainsi en ondes concentriques qui s’éloignent de leur origine, se libérant graduellement de leur attraction pour adopter une forme transitoire plus pure, une courbe qui lentement se resserrera autour d’une figure avoisinante. Ce mouvement de pulsation-transition qui est au cœur de l’œuvre résonne avec le processus par lequel l’artiste, à travers sa production, distance son mal pour prendre le recul nécessaire à sa « reformulation ».  

L’œuvre intègre ainsi à ses spirales et arabesques les maux de l’artiste, les laissant s’y lier et s’en émanciper naturellement. En incorporant ses afflictions dans une composition harmonieuse, Mesbah convertit celles-ci en éléments actifs d’une histoire qui les transcende. Cette nouvelle histoire, riche et hétéroclite, ne s’abîme plus dans son chapitre le plus sombre, mais y prend appui pour se déployer. Les menaçants tourbillons qui parsemaient l’œuvre n’y font plus s’écraser les formes sur elles-mêmes; devenus moteurs de l’image, ils impriment aux couleurs une énergie nouvelle et insoupçonnée.

SPIRALE SUR SPIRALE

Ce motif récurrent de l’art de Nabila Mesbah prend tout son sens dans ce work in progress entrepris au commencement de la thérapie de l’artiste. En effet, en intervenant périodiquement sur ce coloriage, Mesbah accompli un rappel, une distillation de son propos, qui accompagne et nourri sa production. Dans Spirale sur spirale les deux forces amalgamées dans le reste du corpus de l’artiste sont polarisées : le noir ici refuse de se faire ronger par la couleur. Autant les autres œuvres représentent des tentatives de conciliations entre diverses forces antithétiques, autant celle-ci nous ramène à l’incontournable source de cette tension, soit l’ambivalence contagieuse de cette forme essentielle. La spirale noire comme éternel recommencement, comme paralysie, comme emprisonnement, semble avoir besoin pour exister d’être circonscrite par une deuxième spirale aux couleurs vives qui elle nous entraîne dans un jaillissement, une progression, une émancipation. Ainsi une spirale en cerne toujours une autre; l’artiste et le spectateur, depuis l’infiniment mince interstice entre ces puissants courants contraires, doivent faire très attention ou ils posent les pieds.



 
http://www.auberge-alternative.qc.ca/arts/Pheromone40.htmlshapeimage_4_link_0